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L’ERABLE.

Famille des acérinées. — Érable à sucre, Acer saccharinum. — Érable rouge, Acer rubmm. — Arbres de 50 à 70 pieds et de 30 à 50 pieds respectivement. Sève sucrée fermentescible.

Oui, nous l’aimons ce robuste végétal. On le rencontre partout au pays. Les paysans le plantent autour de leur maison ; dans la forêt, ils en conservent des massifs pour la sucrerie ; dans les villes, le long des boulevards, des squares et des jardins, il trône majestueusement, h’érable est au Canada presque l’objet d’un culte, et il le mérite bien. Excellent pour le chauffage, fort employé dans la charpente et la menuiserie, son bois est encore recherché dans l’ébénisterie pour faire des meubles de prix ; il est dur, d’une couleur brillante, et susceptible de recevoir un beau poli. Mais cet arbre est surtout remarquable pour sa production de sève sucrée dont on fait d’excellents sucre et sirop.
C’est à ce titre principalement que l’érable est populaire parmi nous. L’industrie du sucre, qui prend ici le caractère d’une réjouissance, étant inconnue en France, il nous a fallu créer, de toutes pièces un vocabulaire d’expressions nouvelles pour nous entendre.
C’est ainsi que nous disons journellement : érablière, sucrerie, aller aux sucres, le temps des sucres, les sucres, travailler aux sucres, faire couler les érables, entailler les érables, sucrer (individu qui fait le sucre),
bordée des sucres (tempête de neige qui vient à la fin de l’hiver), sucre d’érable, sirop d’érable, tire, toque, plarine, réduit, trempette, oeuf au sucre, goudille, goudrelle, chalumeau, mouvette, palette, cassots, une brassée, un brassin, auges, cabane à sucre, pain de sucre, etc.
Au Canada, les sucres se font d’ordinaire durant les mois de mars et avril. La terre n’étant pas encore prête pour la culture, les habitants, pou occupés, se livrent alors avec entrain à la fabrication du sirop et du sucre, et c’est un temps d’amusements pour eux et leurs familles.
On ne sait pas au juste à quelle époque nos ancêtres ont commencé à faire du sucre avec le jus de l’érable. Pierre Boucher, dans son Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions de la Nouvelle-France, parue en 1664, ne dit que ceci :
« Quand on entaille ces Hérables au Printemps, il en découle quantité d’eau, qui est plus douce que l’eau détrempée dans du sucre ;
du moins plus agréable à boire ».
Benjamin Suite, dans l’édition qu’il a publiée du livre de Boucher, ajoute à ce passage la note suivante :
« Les sauvages étaient trop ignorants pour s’aviser de faire bouillir de l’eau d’érable afin de recueillir la substance sucrée qu’elle renferme.
Les Français eux-mêmes ne commencèrent à faire de la trempette et du sucre solide que vers 1695, probablement sous la direction du docteur Michel Sarrasin ».
Nous avons été longtemps sous l’impression que l’on ne faisait du sucre d’érable qu’au Canada et au nord de la Nouvelle-Angleterre.
C’était une opinion que nous avions recueillie à la campagne. Aussi, grande fut notre surprise lorsque nous lûmes les Scènes de la nature, du célèbre naturaliste américain Audubon. Dans un chapitre qu’il intitule : Un camp à sucre, il décrit au long la méthode qu’on employait autrefois, dans le Kentucky, pour faire le sucre d’érable.
Cette méthode ne diffère pas de la nôtre. Elle lui ressemble même tellement, qu’il est probable qu’elle a été enseignée aux Yankees par nos coureurs de bois et nos sauvages. Depuis cette époque, la fabrication du sucre et du sirop d’érable s’est de beaucoup améliorée. La falsification s’est même mise de la partie et elle fait une rude concurrence au produit véritable.
L’érable est originaire de l’Amérique du Nord et de l’Asie. En France, les espèces cultivées sont l’érable plane, le faux sycomore et l’érable de Montpellier. Ce sont des arbres d’ornement. Ici, nous en avons cinq ou six espèces, mais les mieux connues et les plus estimées sont l’érable à sucre proprement dit, et la plaine, érable rouge.
Le nom latin de l’érable, acer (dur), est une allusion à la densité de son bois, disent la plupart des botanistes ; cependant, l’abbé Moyen diffère d’opinion et prétend qn’acer vient de acus, pointe, « parce qu’il servait chez les anciens à confectionner des lances et des piques ».
Dans le langage des fleurs, en France, l’érable signifie : réserve, précaution, économie, parce que, dit-on, ses fleurs tardent à s’ouvrir et tombent avec une excessive lenteur.
Pour nous, c’est autre chose, c’est

L’arbre sacré, l’arbre de la patrie 1
(Vieille chanson.)

Parler de l’érable à un Canadien, c’est éveiller chez lui les idées de force, de beauté, de bonté, de plaisir et de nationalité. L’arbre le plus puissant et le plus joli de la forêt, c’est l’érable ; le bois qui donne le plus de chaleur durant les froids rigoureux de l’hiver, c’est l’érable ; les premiers plaisirs du renouveau nous viennent par l’érable ; enfin, il faut avoir contemplé l’étonnante beauté de la forêt au mois d’octobre, pour savoir combien notre érable sait revêtir, en dehors de l’hiver, les opulentes parures qui nous le font chérir davantage.
C’est en songeant au magnifique spectacle que présente une futaie d’érable à l’automne, que nous avons écrit autrefois une humble poésie commençant par ces deux distiques, que l’on nous pardonnera de citer :

— O nature!  pourquoi ces splendeurs automnales ?
Te préparerais-tu pour quelques saturnales ?
Pourquoi ces habits lins, ce solennel décor
D’émeraude tout pâle, et de pourpre, et puis d’or ?

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