255 APPENDICES. LA CULTURE DE LA VOIX

moderne, à hurler d’une grosse voix qui porte peu.
Et celte chose fondamentale dans l’art vocal est
réellement mal enseignée; très peu d’acteurs savent
parler dans la salle : ils ne savent que crier sur la
scène. Les divers procédés de çullure de la voix ne
sont rien moins que satisfaisants, et, dans bien des
cas, pour beaucoup d’apprentis chanteurs mieux
vaud_r~it peut-êlre que jamais on ne se fùt’ occupé
de d1r1ger leur voix : ils l’auraient gardée.
Pourtant, il est hors de doute qu’il existe des
moyens simples de développer et d’embellir la voix·
mais il est malheureusement aussi certain que ce~
~oyens sont peu employés, car peu de voix survivent
et gagnent à l’enseignement du chant tel
qu’il est pratiqué aujourd’hui. Un des meill~urs
maîtres. de cha?t du siècle dernier, Stephen de la
Madelame, qm chanta sous Charles X, formulait
co_n_tre l’impéritie des professeurs les plus dures
critiques, que nous osons à peine émettre nous
médecins, quand nous avons à réparer ta;t bien
que mal les voix ruinées par l’enseignement.
On _se sent, écrivait-il, frappé de découragement quand on
exarnme l’état actuel de l’enseignement du chant eu France.
~e mal es~ partou.t:. il est profond, enraciné: ceux qui le
fout et qui en béneficicnt JOu1ssent doucement, en paix avec
le monde et avec eux-mêmes, du fruit de leur détestable
charlatanisme; ceux qui en sont victimes s’endorment et se
complaisent, en quelque sorte, dans leur aveuglement. De
part et d’autre, l’amour-propre fait des merveilles … La
voca~e se perd, et il_ faut cepP;ndant qu’une voix s’élève pour
le crier bien haut a ceux qm sont les depositaires des intérêts
de l’~rt, .aux familles qu’on trompe, aux maîtres ignoran~
s. qu~ croient leur supercherie fort innocente parce qu’elle
les lait vivre sans tuer persqnne.
Ces prédictions sinistres se réalisent chaque jour.