268 APPENDICES. LA CULTURE DE LA VOIX

même appris à se faire entendre; il ~·a aucll:ne i~ée
de la perspective acoustique, de la mise en vibration
d’un espace, de l’effet produit par sa propre voix- Il
trouverait absurde de tirer un coup de fusil en regardant
soit la crosse, soit le chien. soit même le bout
du canon, il penserait avant tout à orienter son
arme vers le but et s’attacherait à viser. Mais il
chante en pensant à son diaphragme, à ses cordes
vocales, à sa langue, à ses dents, à son masque, à
ses yeux, à sa partition, au chef d’orchestre, à tout~
sauf à l’oreille qui, là-bas, attend que le son lm
vienne. Après quelques mois d’études, l’élè~e est
complètement désorienté. Le plus souvent, Il ne
peut ouvrir la bouche sans avoir à se préoccuper
de cent choses sur lesquelles on lui a fourni les
données les plus étranges ; même les termes. classiques
d’appuyer, de serrer, de porter la voix, d_e
chanter en poitrine, en tête, ne sont _pas c~mpris
d’une façon identique par tous. Ce qui venait tout
naturellement avant les leçons ne vient plus
qu’avec peine mainte~ant que l’élè~e .travaille.
Sa voix s’émousse, Il prend en poitrme des notes
qu’il donnait tout naturellement de tête; il baisse
la tête pour donner les notes élevées, il pousse et
gêne sa voix là où il la lâchait si volontiers aupar:avant;
sa voix s’excite comme un cheval qu’on pousserait
de l’éperon tout en lui sciant la bouche avec
le mors·, elle s’affole et se rétrécit; les chats app. araissent,
puis les trous; ce n’est plus la même v~1x;
les parénts se désolent; l’élève tient bon, tant 11 a
foi en son professeur, et d’ailleurs, s’il est au Conservatoire,
il n’en peut guère changer. Certaines
notes sortent mal et bientôt ne sortent plus du tout;
le timbre devient uniforme, on ne comprend plus