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Adolphe Crémieux, à l’origine Isaac-Jacob Adolphe Crémieux, (30 avril 1796 à Nîmes, le 10 février 1880 )

Les affiches de la candidature de M. Crémieux portaient fièrement ce titre : Ancien membre du gouvernement provisoire. C’est là, en effet, le souvenir le plus éclatant de la carrière du nouveau représentant de la troisième circonscription de Paris.

Comme membre du barreau de Paris, l’éminent avocat brillait sans doute au premier rang dans cette pléiade de nos grands orateurs, qui est une des gloires de la France, et sa parole avait toujours été inspirée par un généreux patriotisme. A peine reçu avocat, il avait plaidé et débuté par deux grands succès. Il avait obtenu la condamnation des assassins du maréchal Brune, et il avait fait acquitter de jeunes démocrates qui avaient osé chanter la Marseillaise aux oreilles de M. le préfet. Ces deux succès lui firent une renommée qui ne fit que grandir.
Comme député, après sa nomination au collège de Chinon, en 1842, il avait pris place dans les rangs de la gauche, à côté de M. Odilon Barrot, et participé à toutes les luttes de l’opposition constitutionnelle. Mais quand le 24 février emporta la monarchie de 1820, M. Crémieux fut de ceux qui se dirent : les rois partent, mais la patrie reste, et il n’hésita pas à faire partie du gouvernement provisoire.
C’est le souvenir qui est aujourd’hui l’orgueil de sa vie. La République lui confia le portefeuille de la justice, et c’est lui qui fit étudier le projet de loi sur le divorce, qui fit tant de bruit â cette époque. On raconte que le ministre, qui est israélite, reçut, au sujet de ce projet de loi, la visite d’un ecclésiastique influent. On sait que le catholicisme a toujours prêché l’indissolubilité du mariage.

— Comment! monsieur le ministre, pouvez-vous songer au divorce ? Notre pauvre société n’a-t elle pas assez de misères ?

— Eh ! monsieur l’abbé, le mariage n’est pas toujours un paradis, et ceux qui y trouvent l’enfer ne sont pas fâchés de passer au purgatoire.

M. Crémieux se montra fidèle à la fortune du gouvernement qu’il avait contribué à fonder. Le deux décembre, des agents vinrent le prendre de bon matin chez lui et le transportèrent à Mazas, et de là au donjon de Vincennes. C’est assez dire qu’en recouvrant sa liberté, M. Crémieux rentra dans le barreau de Paris, qui fut heureux de retrouver sa lumineuse parole.

Après dix-neuf ans de silence le voilà rendu à la politique, et l’opposition radicale va trouver en lui un défenseur énergique et résolu. M. Crémieux touche à sa soixante-treizième année ; mais l’âge a passé sur cette nerveuse et forte nature sans lui porter atteinte. Il est aujourd’hui ce qu’il était en 1848, avec cette autorité sereine que donne aux convictions la droiture.

Voyez, d’après le portrait que nous donnons, cette figure qui darde sur vous l’éclair de son l’egard. La mine est fière, la tête est haute, le regard vous pénètre et la bouche est éloquente avant d’avoir parié. Eh bien ! Vous trouverez des gens qui, à la vue de ce visage si bizarrement découpé, vous diront que M. Crémieux est laid ! Mais l’orateur pourrait répondre :

— C’est la laideur de Mirabeau, qui disait à Mme de Staél : Oh ! comme nos laideurs s’attirent !

HENRI VIGNE. 1869

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