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Quelle est l’origine de la guillotine?

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Quelle est l’origine de la guillotine?

La gravure que publie l’Illustration est la reproduction d’une estampe rare et curieuse d’une gravure du seizième siècle, représentant une guillotine, ou plutôt un instrument de décapitation.

Il existe une gravure d’Aldegrever, ainsi cataloguée dans le Manuel de l’Amateur d’estampes, de M. Ch. Le Blanc, première livraison, page 18. « N° 240. – Titus Manlius. 1553. Hauteur 114 millimètres, largeur 72 millimètres. Dans cette planche se trouve représentée une guillotine. » On voit, en effet, le fils de Manlius Torquatus agenouillé devant une machine garnie d’un couperet à tranchant convexe glissant dans des rainures, sous lequel sa tête est maintenue. Aldegrever Heinrich, peintre et graveur à l’eau-forte et au burin, élève d’Albert Durer, est né en 1502, à Paderborn.

D’après ces deux gravures du même siècle, il est à supposer que l’instrument avait été expérimenté.

Dans un mémoire sur la guillotine, M. Dubois d’Amiens exprime l’opinion que cet instrument de supplice, dont l’invention a souvent été attribuée à tort au docteur Guillotin, aurait été imaginé par le chirurgien Louis, qui, en 1792, sur la demande de la commission de législation, proposa l’adoption d’un appareil mécanique alors usité en Angleterre. Il est évident que le chirurgien Louis n’a pas eu à inventer un appareil déjà en usage dans un pays voisin.

Rien, dans la consultation insérée dans le Monileur du 22 mars 1792, ne le fait supposer.

En effet, après avoir établi que les instruments tranchants n’ont d’effet rapide et sûr que par une action oblique, Louis examine les difficultés de la décapitation par les moyens autrefois employés.

« Il faut nécessairement, dit-il, pour l’exactitude du procédé, qu’il dépende de moyens mécaniques invariables dont on puisse également déterminer la force et l’effet. C’est le parti qu’on a pris en Angleterre. « Le corps du criminel est couché sur le ventre, entre deux poteaux barrés par le haut par une traverse, d’où l’on fait tomber sur le col la hache convexe, au moyen d’une déclique. Le dos de l’instrument doit être assez fort et assez lourd pour agir efficacement, comme le mouton qui sert à enfoncer des pilotis. On sait que sa force augmente en raison de la hauteur d’où il tombe.

« II est aisé de faire construire une pareille machine, dont l’effet est immanquable… » On ne lira pas sans intérêt les détails suivants fournis par M. Louis du Bois : “Le Code pénal de 1791 portait (article 2 que tout condamné aurait la tête tranchée”.

Il ne s’agissait plus, d’après le vœu de la  loi et de l’humanité, que de trouver une machine propre à faire tomber la tête du patient promptement, sans douleur prolongée, en n’employant que le moins possible l’intervention de l’exécuteur. Mais avant les docteurs Guillotin et Louis, avant le mécanicien Schmidt, on s’était servi de machines à décapiter dans diverses contrées de l’Europe, et l’on faisait même honneur de la première aux anciens Perses. La guillotine ne fut donc pas une invention, mais un perfectionnement. En effet, on décollait les nobles en Ecosse au moyen d’un tranchoir, dit Robertson, arrêté dans un cadre et qui, glissant sur deux coulisses, tombant sur le col du patient. Dans son Voyageur français, l’abbé de La Porte parle avec quelques détails de cet instrument. Deux anciennes gravures allemandes offrent aussi une machine qui a dû donner l’idée de notre guillotine : l’une est de Pentz, l’autre de H. Aldegrever. Au commencement du seizième siècle, Lucas de Cranach, peintre et graveur en bois à Wittemberg, nous a laissé une gravure qui représente un supplice du temps et du pays.

« L’Italie aussi pourrait revendiquer l’invention de l’instrument qui a pour objet d’abréger les douleurs des suppliciés. Achille, en 1555, dans ses “Symbolicae questiones de universo genere” fit graver la figure d’une machine à décapiter.

Tous ces instruments ne sont autre chose que la mannaia des italiens, définie par les lexicographes : hache à trancher la tête. C’est sans doute de cette mannaia que l’on fit usage à Gênes, le 13 mai 1507, pour le supplice du conspirateur Giustiniani. En France même, une machine à décoller, quoique sans nul doute fort peu usitée, n’était pourtant pas chose tout à fait nouvelle. On lit dans les Mémoires de Puységur. Edition de 1690, que le maréchal de Montmorency fut ainsi décapité à Toulouse en 1632 : “En ce pays-là, on se sert d’une doloire, qui est entre deux morceaux de bois, et quand on a la tête posée sur le bloc. ” on lâche la corde, et cela descend, et sépare la tête du corps C’est toujours la mannaia”.

« …. Le nom de Guillotine lui vint, dès le mois de décembre 1789, d’une chanson des Actes des Apôtres. La première expérience en fut faite le mercredi 25 avril 1792, sur Nicolas Jacques Pelletier, condamné le 24 janvier précédent pour vol avec violence” sur la voie publique. » Nous bornerons ici ces commentaires relatifs à la gravure que nous publions. Le nom de l’inventeur de la guillotine est inconnu, comme le nom de l’inventeur de la poudre.

Nous avons tenu à chercher la vérité sur l’origine de cet instrument. Plus tard, nous aurons l’occasion d’examiner au même point de vue les erreurs légendaires accréditées, et de soumettre la tradition historique à la pierre de touche de la critique scientifique.

CHARLES JOLIET. 1869

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