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Armes et munitions. Documents de la Section photographique de l’Armée française (fascicule 8) Images de la première guerre mondiale 1914-1918

LORSSQUE la guerre a éclaté, nul ne supposait que la consommation des munitions serait aussi effroyable, que l’artillerie, récemment et en hâte accrue, se montrerait aussi insuffisante par le nombre des pièces. Un grand effort avait été fait cependant ; notre commandement, devant la
menace chaque jour grandissante, avait accumulé les projectiles et accru la production des explosifs. Il avait obtenu l’augmentation du nombre des régiments d’artillerie de campagne, la constitution de régiments d’artillerie lourde. Mais, si les munitions étaient en quantité estimée suffisante, les créations nouvelles existaient surtout sur le papier; les batteries lourdes ne possédaient pas leur matériel et même beaucoup des batteries prévues n’avaient pas été organisées.
Tout le monde, d’ailleurs, n’était pas convaincu de la nécessité de ces créations; notre canon de 75 est si merveilleux par sa justesse, la rapidité de son tir, sa puissance meurtrière que, pour beaucoup d’artilleurs, il devait suffire à tout. Ceux qui craignaient des mécomptes les attribuaient seulement aux difficultés du ravitaillement en obus. Comment faire face à la consommation de ces bouches à feu insatiables, si !’on voulait les alimenter pour le feu prolongé dont elles sont susceptibles ?
Le 75 n’a pas trahi les espérances que l’on avait mises en lui.
A nombre égal, même inférieur, il avait nettement la suprématie sur le 77 allemand ; ses effets furent terribles, terrifiants, ils le sont encore. Mais l’ennemi avait amené un nombre de 77 infiniment supérieur à celui de nos canons, puis il avait surtout en quantités colossales des pièces lourdes, à portée dépassant de beaucoup celle de nos canons de campagne, et un matériel de siège ayant raison
des bétonnements les plus épais, des cuirassements les mieux trempés.
Dans les premières grandes batailles, dont celle de Charleroi fut la plus furieuse, nous fûmes écrasés par cette masse d’artillerie, à laquelle nous ne pouvions pas toujours répondre, à cause de la portée moindre de notre canon. Les forteresses elles-mêmes, que l’on croyait invulnérables, ne purent résister aux énormes projectiles des obusiers autrichiens utilisés par les Allemands. Liége et Namur, dont l’illustre Général Brialmont était si fier, virent leurs forts bétonnés à l’aide du gravier de la Meuse, réputé pour sa dureté, tomber en peu de temps, parfois en quelques heures.
Chez nous, Maubeuge récemment transformé, puissamment aménagé, n’offrit pas plus de résistance que les vieilles forteresses de Vauban, Longwy et Montmédy ; en Lorraine, ceux des forts attaqués, tels Manonvillers, Troyon et le camp des Romains, furent rapidement bouleversés.
L’ennemi avait donc, par la puissance et le nombre, l’avantage du matériel lourd ; nous conservions toutefois la maîtrise pour l’artillerie de campagne proprement dite, à cause de la rapidité et de la précision du tir, des effets destructeurs sur les masses. On en eut la preuve à la bataille de la Marne : alors nos batteries firent de formidables trouées et eurent un rôle superbe dans la mise en déroute des hordes qui se croyaient déjà maîtresses de Paris.
On peut bien dire aujourd’hui que si nos merveilleux canons, nos artilleurs habiles et hardis avaient eu· un approvisionnement
indéfini d’obus, nous aurions bouté dès lors l’ennemi hors de France. Il fallut nous arrêter, et l’Allemand épuisé, à la veille de la débâcle, put s’accrocher au sol, organiser le système de tranchées et de réseaux de fils de fer, grâce auxquels il a pu  jusqu’à aujourd’hui se maintenir sur le sol envahi, sans éviter cependant ses dures défaites de l’Yser, de l’Artois et de Champagne.
Ce ne sont pas seulement les munitions qui faisaient défaut, les canons étaient insuffisants par le nombre ; le chiffre de nos mitrailleuses était dérisoire, alors que l’ennemi avait toutes ces armes en abondance et pouvait presque indéfiniment en accroître la quantité.
La situation était bien différente chez nous. Dès les premiers jours de la guerre, nos plus grands foyers métallurgiques étaient aux mains des Allemands. Les bassins miniers de Briey et de Longwy, les plus riches du monde en fer, se trouvaient envahis et fournissaient à Essen et aux grandes usines allemandes le minerai nécessaire pour la fonte des canons et des obus. Et, avec le minerai, c’étaient les hauts fourneaux et les forges mêmes. Les gigantesques usines de Longwy, de Mont-Saint-Martin, de Gorcy et de Villerupt, gloire de notre industrie, étaient occupées ; toutes les
manufactures de quincaillerie des Ardennes, si nombreuses, subissaie:
it le même sort. Puis ce fut le tour des grands foyers du fer et de l’acier dans le Nord: Maubeuge, Hautmont, DenaÎrl, Anzin, Valenciennes, Douai, Albert.
En somme, l’industrie métallurgique française presque entière était capturée, puisque les usines du Centre : Saint-Disier – dans l’Est encore,  le Creusot, Montluçon, Saint-Etienne, Saint-Chamond, étaient devenues tributaires de Briey, d’où elles tiraient presque exclusivement le minerai de mines qu’elles venaient d’aménager à grands frais.
Il ne nous restait en Lorraine que le bassin de Nancy, où Pont à Mousson était même bombardée, les hauts fourneaux de Frouard, de Pompey, de Maxéville, de Champigneulles, de Jarville et de Neuves-Maisons. On put craindre un moment de leur voir subir le sort de Longwy et de Maubeuge ; la bataille du Grand Couronné les sauva.
Mais combien ces établissements, d’ailleurs privés du minerai de Briey, étaient insuffisants pour les besoins. Et ces besoins étaient énormes. Non seulement nous devions remplacer le matériel perdu ou endommagé, les munitions dépensées au-delà de tout ce que l’on avait supposé, il fallait encore répondre au nombre par le nombre, le dépasser même. Des voix ardentes se firent entendre, stimulant les rouages de l’administration, secouant les inerties, s’efforçant de triompher de la routine et des préjugés.
Ce fut une belle bataille dont l’histoire ne sera pas une des parties les moins émouvantes de !’Histoire de la grande Guerre.
Enfin on triompha des bureaux, des mauvaises volontés, des rivalités d’armes et de services. Ce qui nous restait d’usines fut militarisé, d’autres se créèrent. Nos poudreries accrurent leur production, remplacèrent par des succédanés les matières qui faisaient défaut. Les arsenaux ou ateliers de la guerre : Bourges, Tarbes, Puteaux, Lyon et tant d’autres, reçurent des accroissements immenses. Les arsenaux de la marine furent eux-mêmes utilisés pour les besoins de l’armée de terre.
Mais tout cela n’est rien en comparaison des ressources fournies par l’industrie privée. Les grands établissements furent accrus, parfois d’une façon prodigieuse, d’autres surgirent de toutes pièces pour employer des milliers de bras. Des usines consacrées à des travaux spéciaux pour l’automobile, la construction, les machines, les articles de quincaillerie, se sont mises à faire des obus ; les ateliers de rouages délicats, comme les fabriques d’horlogerie, ont produit les fusées. Cet épanouissement de l’industrie métallurgique a été inouï, il dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Telle usine de la banlieue de Paris occupait 3.000 ouvriers pour les automobiles, elle en emploie 15.000 à faire des obus; une autre, surgie en quelques jours d’un terrain vague, en compte plus de 5.000.
Partout où se trouvait un établissement métallurgique, même modeste même infime, la fabrication des projectiles s’est implantée.
dans les’ villes et leurs faubourgs. Au long des cours d’eau, dans les vallées lointaines des Alpes, de l’Auvergne, des Pyrénées où la force motrice abonde, on rencontre les petits ateliers travaillant pour la défense nationale. Et chaque jour en voit accroitre le nombre; d’énormes installations naissent dans les des . cités où l’on a la main d’oeuvre et les facilités de communication…

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