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Les étapes du blessé. Documents de la Section photographique de l’Armée française (fascicule 14) Images de la première guerre mondiale 1914-1918

LE SERVICE DE SANTÉ.

En dépit des critiques dont le service de santé fut l’objet pendant les premiers mois de la guerre, c’était un des organismes de l’armée où l’on avait le plus travaillé pour se tenir à la hauteur des besoins prévus. Mais les prévisions étaient bien au-dessous de la réalité ; le nombre des blessés atteignit un
chiffre que l’on n’avait jamais vu encore. Pendant la retraite qui suivit les premières grandes batailles, bien des formations sanitaires furent désorganisées ; médecins et infirmiers demeurés en arrière des troupes furent souvent faits prisonniers et emmenés en captivité en Allemagne, au mépris des conventions internationales.
Comme pour l’armement et les munitions, l’expérience prouva donc combien ce grand service, malgré les progrès réalisés, et toutes les mesures prises dès le temps de paix pour assurer l’évacuation des blessés et les opérations immédiates nécessitées par certaines lésions, avait besoin d’être accru et parfois même transformé. Il faut rendre cette justice aux chefs que, se donnant entièrement à leur rude tâche, aidés d’ailleurs par l’initiative privée autant que par les pouvoirs publics, ils sont parvenus à remédier à toutes les imperfections, à constituer un matériel d’évacuation des blessés à la hauteur des nécessités.
Dès avant la guerre, il y avait une véritable crise du personnel praticien. On ne recrutait pas facilement le nombre de médecins nécessaire pour le temps de paix ; beaucoup de corps de troupe ne possédaient pas le cadre de majors auquel ils avaient droit.
Cette situation paraissait trouver un remède dans la mobilisation de tous les médecins civils soumis par leur âge aux obligations militaires, par la création d’hôpitaux et d’ambulances dus aux sociétés de la Croix-Rouge.
Mais, la guerre dépassant par le chiffre des blessés tout ce que l’on avait pu supposer, il fallut confier des postes sur le front et dans les hôpitaux â des praticiens dégagés du service; on dut attribuer les fonctions de médecins à de jeunes étudiants en médecine ayant parfois à peine commencé à prendre des inscriptions :
on en fit des médecins auxiliaires. Ceux qui avaient déjà passé par les hôpitaux, les internes, furent même promus médecins aide-majors sans avoir pris leur doctorat. Ces mesures ont permis de faire face aux nécessités les plus strictes. En arrière, les hôpitaux militaires, une multitude d’hôpitaux auxiliaires furent confiés aux médecins les plus âgés; des civils n’ayant fait que de rares apparitions dans l’armée, n’ayant même aucune période d’instruction à leur actif, se trouvant avec d’anciens médecins-majors de l’armée quittèrent leur retraite pour apporter leur vieille expérience
aux formations improvisées.

LES HOPITAUX AUXILIAIRES

En même temps, il .. fallut accroitre dans de prodigieuses proportions le nombre des ambulanciers pour aller relever les blesses sur le front; il fallut ouvrir des cours pour former des infirmières car les cadres de la Croix-Rouge, qui semblaient à la hauteur de tous les besoins, apparurent bientôt insuffisants. Grâce à l’élan patriotique qui emporta toutes les classes de la population, le pays se couvrit d’hôpitaux. Les grands hôtels des villes d’eaux thermales, ceux des stations balnéaires du littoral et des stations climatériques, les établissements d’instruction, les couvents désaffectés, des demeures particulières devinrent des hôpitaux militaires ou des hôpitaux auxiliaires des sociétés de la Croix-Rouge. Les pays neutres voulurent témoigner leur sympathie à la France en créant des hôpitaux, dont la plupart sont des merveilles de confort et même de luxe.
Et après avoir craint de manquer d’abris pour les blessés, on voit, sur de nombreux points du territoire, des ambulances attendent encore l’envoi de victimes de la guerre. Ce qu’il manque ce sont moins :locaux installés que les médecins. Non seulement, comme nous lavons dit, le nombre des docteurs mobilisables était insuffisant déjà, ma!s les batailles ont fait dans leurs rangs des vides cruels. Combien sont tombés dans les tranchées en allant recueillir ou panser les blessés, dans les postes de secours, dans les ambulances que l’ennemi bombardait sciemment. dans les hôpitaux des villes que visaient le canon et l’aviateur l Le service de santé, médecins du cadre actif, réservistes ou territoriaux, prisonniers militaires ou civils, – a payé un lourd tribut et a droit, comme les combattants, à la reconnaissance nationale.

LA RELÈVE SUR LE CHAMP DE BATAILLE

Nous ne pouvons entrer ici dans le detail de cette organisation si complexe du service de santé en temps de guerre ; nous nous bornerons à expliquer et commenter les photographies de ce fascicule qu’accompagne un schéma géométrique de l’itinéraire suivi par les blessés et les éclopés, depuis le théâtre du combat jusqu’aux hôpitaux de l’intérieur où finit le douloureux exode.
Le petit croquis qui accompagne ces lignes permet de se rendre compte de l’organisation du transport des blesses du front aux hôpitaux, lesquels sont très éloignés parfois, puisque les villes d’eaux des Pyrénées et nombre d’hôtels de la Côte d’Azur reçoivent les victimes des combats. On verra comment les blessés ramassés par les brancardiers et mis à l’abri derrière un talus, un mur, dans une tranchée conquise, sont amenés au poste de secours installé à l’abri du feu de l’ennemi. Là, médecins et infirmiers procèdent aux premiers soins urgents, font les pansements et expédient ensuite les bl~es sur r ambulance placée à proximité de l’unité à laquelle ils. appartiennent – division P?ur l’infanterie, brigade pour la caYalene. – Les hommes moins attemts ou simplement fatigués sont dirigés du poste de secours sur un premier dépôt d’èclopés.
L’ambulance est un vèritable hôpital ayant à sa tête un officier de rang élevé, le medecin-chd. Il a sous ses or<:11’es des médecins dirigeant chacun un service : réception et t;nage ~es blesses, opérations urgentes, pansements. De la, des voitures ~ ~~c~ des autos, et, en cas de besoin, des véhicules reqU151bonnes condui~C’llt ~oit à un hôpital d’évacuation, soit directement à la ~ tète-d’étapes, d’où les trains sanitaires sont diriges sur la rare rêgu]atrice. a l’arrière de la zone des armées. Celle-ci repartit les convois vers de nouveaux dépôts d’éclopés ou les hopitaux de l’intérieur. Les blessés une fois guéris vont aux dépôts de convalescents, derniere étape avant le dépôt du rëmment, d’où les hommes en état de faire de nouveau campagne
so~t renvoyés sur le front, la ligne de feu.

DU POSTE DE SECOURS A L’AMBULANCE

Avec nos planches 1 à IV, nous assistons à la relève des blessés sur le champ de bataille, mission pénible et fort périlleuse aussi, car les brancardiers doivent parcourir un terrain battu par la mitraille. Les obus pleuvent, les rafales lancées par les mitrailleuses balaient incessamment les lignes. Et les hommes chargés de ramener les blessés n’ont même pas l’excitation du combat qui fait oublier le danger au soldat lancé en avant. Les risques des ambulanciers sont donc grands ; aussi, à défaut d’armes offensives, les a-t-on dotés d’une arme défensive, le casque, pour les protéger au moins contre les
atteintes les plus meurtrières. L’infirmier, ainsi préservé, ne se distingue du combattant que par le brassard à croix rouge. Sous le feu de l’ennemi qui, trop souvent, hélas ! dirige son tir sur les soldats des formations sanitaires, les brancardiers vont à travers le terrain ; souvent ils disposent de petites voitures
permettant de ramener rapidement le blessé sans trop de secousses. Nos illustrations ont été prises sur le champ de bataille de Champagne, où le paysage, naturellement morose, est devenu affreux avec ses arbres coupés, le sol bouleversé mettant à nu la craie d’une blancheur de neige. Nous voyons là ces tragiques campagnes de Suippes, de Perthes, de Souain, où tombèrent glorieusement tant de vaillants. Les ambulanciers durent déployer une extrême activité pour relever et ramener aux postes de secours les nombreux blessés qui avaient du moins le réconfort
d’avoir vu fuir l’ennemi.
Le cortège de nos blessés sur les routes après la bataille heureuse (PL IV) est un des plus évocateurs. Il nous montre à quel degré d’enthousiasme parviennent les soldats victorieux : leur physionomie alerte semble braver la souffrance. Encore excités par la lutte, heureux d’avoir participé au succès, ils vont d’un pas alerte sur la route bouleverse par la mitraille, entre les tranchées qu’ils ont aidé à conquérir et dont leurs camarades sortis indemnes de la fournaise, retournent déjà les défense pour arrêter les contre-attaques de l’ennemi.

AMBULANCES EN MONTAGNE

Avec la planche V, le paysage perd de sa tristesse, mais combien il est mélancolique encore! Nous sommes dans les Vosges méridionales, devenues célebres avec !’Hartmannswiller kopf, le Linge, Metzeral, le Reichackerkopf et tant d’autres sμ.es oû nos soldats : chasseurs alpins, chasseurs des Vosges,
~ds, ont. accompli des prouesses inconnues encore, mais qui éclipieron~ b1en des pages fameuses de l’histoire militaire, lorsqu’il a pemus de les raconter. Sur ces sommets que la neige couvre la moitié de l’année, bien des vaillants sont tombés. Les morts reposent dans les clairières des grandes forêts de sapins, les blessés, pour qui la descente dans la vallée était souvent une souffrance, sont soignés dans des ambulances édifiées au moyen de troncs et de planches débités sur place ; celle du Spitzenfeld, reproduite par notre photographie (PI. V.), est à 1.248 mètres d’altitude.
A l’arrière de ces ambulances de première ligne, protégées contre le bombardement, d’autres, plus vastes et commodes, ont été installées : quelques-unes sont dues au dévouement et à la sympathie de pays alliés ou neutres. Ainsi les Norvégiens ont doté les Vosges d’un de ces hôpitaux de première ligne. Leurs infirmiers, familiarisés avec l’emploi du ski, allaient, cet hiver, chercher les blessés dans les neiges. Pour les ramener, ils employaient un procédé ingénieux : deux skis reliés parallèlement constituaient un traîneau à l’aide duquel le blessé peut être transporté sans secousse jusqu’à l’ambulance.

LES AMBULANCES SOUTERRAINE

Parfois le sol lui-même offre la plus parfaite sécurité et une installation facile à rendre confortable. Ce fut le cas pour les carrières creusées au flanc des coteaux crayeux de Champagne et surtout pour les longues et hautes galeries pénétrant au sein des collines abruptes, souvent falaises, des deux rives de l’Aisne (Pl. VII). Il a été d’autant plus facile d’organiser les divers services d’une ambulance, que beaucoup de ces carrières, d’où sortirent tant de grands édifices, sont devenues des logis. Une véritable population de troglodytes avait divisé les cavernes en chambres ; on y pénétrait par des portes ; des fenêtres, entaillées dans le roc ou ménagées dans la maçonnerie établie devant l’ouverture, donnaient l’air et la lumière.
D’autres ambulances purent être installées à l’abri dans des caves ; à Verdun (Pl. X), les voûtes épaisses de la Citadelle, couvertes d’une grande épaisseur de terre et de pierre, ont permis de protéger les postes où les chirurgiens procédaient aux opérations qui ne pouvaient être différées. Quant à celles qui ne sont pas d’une urgence absolue, elles ont lieu à l’arrière, parfois très loin, dans les hôpitaux de l’intérieur.
Le plus souvent, on a pu créer, à l’abri du feu ennemi, des baraquements ou monter des tentes (PL VIII); les blesses y reçoivent les soins permettant de supporter le voyage en chemin de fer. Mais il faut aussi savoir se contenter d’une maison bouleversée, d’un édifice à demi ruiné. Ainsi notre planche IX montre une église devenue salle d’opérations ; le blessé est soigné au pied d’une image sculptée de la Vierge, sous les voûtes romanes du temple vénérable, Nous avons vu que les blessés pansés au poste de secours sont envoyés à la gare d’évacuation; les moins atteints peuvent
marcher, les autres sont amenés par les voitures sanitaires; ceux qui doivent rester étendus, sont conduits dans des automobiles spéciales, souvent fournies par la générosité de pays étrangers.

LES TRAINS SANITAIRES

Les blessés parviennent ainsi rapidement a la gare ou stationnent les trains d’évacuation (PL XI), constitués les uns par de superbes wagons-ambulances, d’autres par des voitures a voyageurs, enfin on en voit encore qui comprennent seulement de simples fourgons dans lesquels ont été installés des appareils de suspension fort ingénieux, dus à des médecins militaires, MM. Bry et Ameline, et Bréchet, Desprez, Ameline. Le système dû à ces trois derniers praticiens, appelé B. D. A., amélioration du type dû aux deux premiers, est le plus couramment employé.
La description de ces trains, spéciaux ou de fortune, nous entraînerait trop loin, disons seulement que les rrùeux conçus ont un wagon-tisanerie, servant aussi de salle de pansement, un wagon-cuisine et même un wagon avec salle d’opérations. Peu à peu, les trains de fortune disparaissent, remplacés par les trainshôpitaux spéciaux, où la circulabon, l’aêration et le chauffage sont assurés. Le convoi dont nous donnons une photographie est
garé au bord de la Meuse, au sud de Verdun, pres des villages qui portent le nom des Monthairons.

A L’ARRIÈRE

La planche XVII représente une partie de la grande gare des Brotteaux, à Lyon ; la furent amenés les grands blesses dont r Allemagne avait consenti
l’échange. Par grands blessés on entend les mutiles qui ne peuvent reprendre leur place dans le rang et certains
malades dont le rétablissement sera très long. L’arrivée de ces vaillants a donné lieu, dans la grande cité du Rhône, à des cérémonies émouvantes.
La planche XXII. Nous conduit au bord de la Méditerranée, dans la rade de Toulon, où flotte un des grands navires de transport transformes en hôpitaux. Ce sont eux qui vont à Salonique et qui furent aux Dardanelles chercher malades et blessés. Jusqu’ici nos navires-hôpitaux ont éte épargnes par les sous-marins qui les guettent cependant, en depit de toutes les lois de l’humanité et des conventions internationales. On en eut
la preuve cruelle par le torpillage du Portugal qui transportait des blessés russes sur la mer Noire, et, plus récemment, du V Periode (En avant) dans les mêmes parages.
On voit avec quel dévouement sont soignés les blessés.
A côté des organisations officielles, les oeuvres particulieres, nous l’avons dit, sont nombreuses. Celles dues à des pays étrangers se font remarquer entre toutes par la perfection de leurs installations, du matériel mobile et des hôpitaux fixes. Il n’est guère de pays neutre qui n’ait tenu à honneur de participer à cette aide fraternelle; leurs fils ont voulu donner à ces créations un confort que nous n’aurions pu imiter même de loin, tant les besoins sont grands, et lourdes les depenses. On peut en juger par celles de nos photographies qui sont consacrées aux ambulances et hôpitaux americains, japonais, suedois, hollandais et grecs (PL XIII et X\’). Plusieurs autres pays ont voulu témoigner leur sympathie et leur admiration. Les Anglais, qui
ont cependant bien des leurs à soigner, ont réparti à Paris et sur de nombreux points du territoire de splendides installations
pour nos soldats.
ARDOUIN-DUMAZET.

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